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19/04/2013

Droits des femmes, lutte contre les discriminations, la droite se distingue honteusement

 Lors de la séance de la commission permanente du 19 avril 2013, les  élus d’opposition de droite se sont abstenus globalement contre l’adoption des subventions accordées aux associations œuvrant pour les droits des femmes et la lutte contre les discriminations dont, le Centre d’information des femmes et de la famille (CIDF), Solidarité femmes, Le Mouvement du Planning familial (MPF), Femmes SDF, SOS Racisme, l’AFDU, l’Amicale du Nid, Passible, Parité dans les métiers scientifiques… Leurs arguments étant, dixit Frédérique Puissat (UMP) : «que ces subventions représentent essentiellement des salaires et qu’il est dangereux pour le Conseil général de s’y inscrire alors qu’elles relèvent d'une politique volontariste, hors champs des compétences obligatoires et, que les justifications apportées aux demandes sont trop courtes ».

D’aucuns apprécieront l’intérêt que portent les élus de droite au travail accompli au quotidien par ces associations qui oeuvrent dans le cadre d’une délégation de service public, qui plus est au service de femmes en danger.

En fait, en commission d'action sociale, Mme Puissat a mis à l'index SOS Racisme, elle n'a pas osé les citer explicitement en présence de tous les élus et a englober l'ensemble de la liste des subventions...

Mais, ce discours est incohérent quand on entend les reproches formulés par ces mêmes élus à propos du redéploiement des financements du Conseil général, du fonctionnement récurent des établissements d’accueil de la petite enfance vers le soutien à la création de nouvelles places, dans les territoires en tension. Politique volontariste elle aussi, hors champ obligatoire.

Brigitte Périllié

Vice-présidente déléguée à l’enfance en danger, la famille et l’égalité femme-homme.

 

22/02/2013

22 février - Quelques portraits des femmes de Sharana – Souffle de l’Inde.

Elles sont six femmes et deux jeunes filles à l'atelier. Quatre sont veuves, les deux autres femmes sont victimes de violences conjugales. Les deux jeunes filles ont 17 ans maintenant. Elles ont été accueillies au Shelter lorsqu’elles étaient enfants. L’une, son père est alcoolique et très violent ; il bât sa femme. Les travailleurs sociaux craignaient qu’il viole la petite et l’ont donc recueillie. L’autre n’a plus de père et la mère se prostitue. Les travailleurs sociaux pensent que s’ils la laissent rentrer chez sa mère, elle sera prostituée. Ces deux jeunes filles ne sont plus scolarisées car elles ne sont pas capables de poursuivre des études supérieures. Ils ont donc demandé à Josette de la prendre à l’atelier. Elles sont assez habiles de leurs mains et confectionnent des corbeilles en papier journal, pas mal du tout !

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Les violences conjugales sont culturelles en Inde. Elles existent dans presque toutes les familles où l’homme exerce un pouvoir sans mesure sur sa femme. L’épouse doit être à son service. S’il tombe malade ou s’il meurt, c’est elle qui en assume la responsabilité. Elle est aussi son souffre-douleur quotidien. Il a pratiquement droit de vie et de mort sur elle.

 

conseil général de l'isère, Souffle de l'inde, Josette Rey, Brigitte Périllié, droits des femmesVetrikodi, a 43 ans et deux enfants, un garçon et une fille de 19 et 16 ans. Elle est veuve depuis 2 ans et demi. Elle est à Sharana depuis 3 ans. Elle est entrée quand son mari était malade.Son mari était alcoolique et la battait sans arrêt. Elle a dû aller plusieurs fois à l’hôpital à cause des blessures qu’il lui infligeait. Il faisait des petits boulots et ils n’avaient pas d’argent. 

Elle est venue vivre à Pondichéry avec son mari et, quand il est mort, elle ne connaissait personne. Elle n’avait plus de parents et son frère ne voulait pas d’elle. Quand son mari est tombé malade, elle accompagnait des enfants dans les school-bus. pour arriver à vivre, elle a envoyé son fils de 13 ans travailler dans une fabrique artisanale de chaussures. Le comptable de Sharana l’a repéré et cette situation a fait réfléchir les travailleurs sociaux sur l’importance de donner un vrai travail aux mères, notamment les veuves. C’est là qu’ils ont commencé à organiser une activité pour les femmes qui soit suffisamment rémunératrice, sachant que celles-ci ont la plupart du temps, un très petit niveau. Vetrikodi est rentrée dans l’association et son fils a pu retourner en classe. Elle loue une maison et a donc un loyer à payer. Elle cuisine les repas qui sont consommés par les permanents de l’association qui restent à midi, cela lui fait un complément de revenus.

L’autre association « A way with you » qui aidait déjà des enfants des rues de Pondichéry, s’occupe du fils. Il va passer le bac l’an prochain.

Sa fille est née avec une tumeur à l’oreille et elle a été opérée à 12 ans. Elle a été prise en charge par Sharana pour l’école et par « A way with you » pour les opérations chirurgicales. Vetrikodi a encore des problèmes d’argent, mais s’en sort mieux.

 

conseil général de l'isère, Souffle de l'inde, Josette Rey, Brigitte Périllié, droits des femmesPadmavathy a 34 ans, elle est séropositive et a un fils de 12 ans. Elle est veuve depuis 9 ans. Elle est native de Pondichéry mais n’a plus vraiment de famille.  Elle vivait ailleurs avec son mari et elle est revenue ici quand son mari est mort.  Elle vit avec sa mère et son fils. Ses deux frères sont morts et sa sœur vit très loin. Elle fait vivre les 3 personnes avec son salaire.

Padmavathy a débuté à l’atelier dès sa création, il y a trois ans.  Son mari avait le sida et en est mort. Elle a un traitement préventif tous les six mois à l’hôpital. Son fils est parrainé mais pas avec Sharana.

Elle a une machine à coudre à la maison et cela lui permet de compléter ses revenus.

 

conseil général de l'isère, Souffle de l'inde, Josette Rey, Brigitte Périllié, droits des femmesSammanasumarie a 46 ans et trois filles, 21, 18 et 16 ans, on l’appelle Marie. C’est son anniversaire aujourd’hui ! Elle habite très loin dans Pondichéry et vient tous les jours à pied pour économiser le bus. Elle est en location. Elle travaille beaucoup et très bien. Sa fille ainée va devenir professeur et la deuxième va passer le bac. La dernière poursuit sa scolarisation.

Les enfants ont été parrainés par une autre association que Sharana. Marie est née dans un petit village tamoul, comme il y en a plein. Son mari était de Pondichéry. Ils sont allés vivre à Bombay car il avait trouvé une place de conducteur de travaux. Mais au bout de quelques mois, elle est revenue à Pondichéry pour faire parrainer ses enfants. Ce système de prise en charge des enfants pauvres est assez développé ici, contrairement à d’autres régions. Le mari habitait assez loin des chantiers et prenait le train tous les jours pour aller travailler. Vous l’avez sans doute déjà vu dans des documentaires, souvent les indiens se tiennent d’une main sur les marches-pieds des trains bondés. Ce qui devait arriver, arriva. Un matin, il est tombé et s’est tué. Les autorités ont mis plusieurs semaines pour retrouver Sammanasumarie. Elle n’a pu que venir chercher ses cendres. Comme elle ne savait pas où travaillait son mari, ni pour qui, elle n’a pas pu demander de l’aide à l’entreprise pour qui il travaillait. Marie n’a rien pu faire pour faire valoir ses droits.

Apparemment, le gouvernement de Pondichéry donne une pension aux veuves de 1000 roupies par mois. Elle peut la cumuler avec son salaire de Sharana ;

conseil général de l'isère, Souffle de l'inde, Josette Rey, Brigitte Périllié, droits des femmesMarline Meera a 38 ans, 3 enfants : un garçon et deux filles de 13, 10 et 9 ans.  Elle est veuve depuis 4 ans. Elle est née à Shidambaram et s’est mariée à Pondichéry. Lorsque son mari est mort, ses beaux- parents étaient déjà morts aussi.  Elle est donc propriétaire de sa maison et n’a pas de loyer à payer. Son mari buvait et la battaient continuellement. Elle en garde les marques sur la tête. Il est mort de l’alcoolisme. Cela a été une libération pour elle. Ses enfants sont scolarisés et sponsorisés, mais tous sont en difficulté scolaire. Elle était servante chez des indiens qui l’exploitaient et elle n’avait pas la paie en retour.  Elle a pu participer à un stage, organisé par le gouvernement de Pondichéry pour apprendre à coudre, il y a 2 ans. Elle cousait un peu chez elle pour des voisins. Elle est à Sharana depuis seulement quelques mois. C’est Marie qui lui a dit de venir.

Aujourd’hui, elle culpabilise car elle pense qu’elle a peu suivi la scolarisation de ses enfants en s’occupant de ceux des autres. Mais, avait-elle le choix ?

Elle est très contente qu’on lui pose ces questions, car c’est la première fois que quelqu’un s’intéresse à sa vie…

Toutes ces femmes ont été les premières à choisir leurs parures parmi le stock de lingerie que j’ai pu emporter dans mes bagages.

conseil général de l'isère, Souffle de l'inde, Josette Rey, Brigitte Périllié, droits des femmesAmala Dévi a 25 ans, elle est assistante sociale à Sharana. Elle conduit une action pour des adolescentes et jeunes mères. Son propre père était alcoolique aussi et bâtait sa mère. Elle a grandi dans un contexte de violence semblable aux autres femmes, mais pas dans la pauvreté. Sa mère a eu assez d’argent pour ouvrir une boutique d’esthétique et gagnat sa vie. Amala a pu faire une grande école de commerce mais, lors de sa dernière année d’étude, elle a pensé que, compte tenu ce qu’elle avait vécu dans son enfance, elle devait faire plutôt un travail social que commercial. Sa mère n’était pas d’accord car c’est assez mal payé et c’est une jeune fille brillante. Elle n’a donc pas voulu financer ces nouvelles études. Alors, Amala a donné des cours du soir pour payer son école de formation de travail social, pendant 2 ans. Elle a accepté de travailler pour un shelter de Sharana, dans un quartier très difficile, d’abord bénévolement puis elle a été embauchée. Sa propre famille l’a mal pris car une jeune fille de bonne famille ne doit pas aller dans les quartiers difficiles et accomplir un travail où elle est amenée à faire des gardes de nuit. Sa réputation de fille pure en est finie…

Sa mère a donc voulu la marier, mais Amala a refusé pour garder son travail. Sa mère l’a alors mise dehors et, elle est allée vivre chez sa grand-mère. Amala a refusé ce mariage car elle craignait d’être à la merci de son mari et de devoir se consacrer uniquement à lui. Elle veut un mariage d’amour avec un homme qui accepte son engagement.

Elle a distribué la lingerie que j’ai apportée aux adolescentes et aux jeunes mères (de 16 à 25 ans) au « Day care center », où ces jeunes femmes peuvent venir parler de leurs problèmes tous les matins. Ceux-ci peuvent être de santé ou simplement de confiance en soi. En Inde les hommes sont des dieux et leurs enfants aussi. Les femmes doivent s’en occuper continuellement. Elles ont une très mauvaise estime d’elles même et se soignent très peu !

Suivant leur situation et leurs capacités, Amala les envoient dans d’autres associations où elles peuvent bénéficier d’actions d’insertion professionnelle.

Le gouvernement tente de parler des violences faites aux femmes, mais il y a toujours un prétexte pour retarder le lancement des actions, cela n’est pas très électoraliste… Ces violences sont ancrées de façon ancestrale dans la culture indienne. Les femmes peuvent porter plainte, mais elles ne le font pas car leur famille (parents, frères, sœurs, oncles, tantes, grands-parents…)  va les rejeter.

Amala est bien sûr très mobilisée sur ce vaste problème et voudrait développer un nouveau projet pour cela, sans attendre que les pouvoirs publics fassent quelque chose. Elle s’est fixée l’objectif de réussir à monter une action, d’ici 3 ans, pour s’attaquer aux viols et aux violences faites aux femmes.

C’est un grand challenge ! Il n’empêche, que la classe moyenne qui s’élève aujourd’hui commence à s’émouvoir, surtout lorsque surgissent des viols particulièrement odieux. Hier, une petite fille de 4 ans s’est fait violée à Pondichéry, avant-hier, ailleurs, nous avons vu dans la presse que ce sont trois fillettes qui ont été violées à la sortie de l’école et qui ont été jetées dans un puits. Le fait que la presse en parle est nouveau et va peut-être aider à faire bouger les pouvoirs publics.

En entendant parler Amala sur son souhait de mieux prendre en compte ce fléau, il me vient l’idée de la faire venir à Grenoble pour lui expliquer et qu’elle voit les différentes associations qui œuvrent contre les violences faites aux femmes. L’idée lui plait bien, bien sûr, mais il faudra trouver des financements pour payer son voyage car, ni Sharana ni elle, ne peuvent assumer un tel voyage. Je fais donc un appel aux dons, si modiques soient-ils, cumulés ils pourront contribuer à ce qu’elle voit mieux ce qu’elle pourrait faire chez elle. Elle sait déjà qu’il faudra faire des actions auprès des hommes et des jeunes garçons pour qu’ils envisagent une autre posture envers leurs épouses ou futures.

 

 

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Dimanche 17 février, Les retrouvailles des femmes de Kochi

C’était le second jour « J », pour lequel Josette m’a emmenée à Kochi. Elle tenait absolument à me présenter les femmes qui ont bénéficié de Souffle de l’Inde depuis son ouverture et avec qui elle est toujours en contact. L’accueil a été très chaleureux. A midi, nous étions attendus chez Shinie. Souffle de l’Inde n’a plus de local à Kochi et seule, Shinie a une maison capable de nous accueillir tous. Les embrassades ont été longues, émues, magnifiques… J’ai senti toute la reconnaissance de ces femmes envers Josette, qui n’ont pas grand-chose et que la vie n’a pas épargnées. Elles étaient sept à nous attendre.

conseil général de l'isère,souffle de l'inde,josette rey,brigitte périlliéIl y avait Giji dont j’ai déjà raconté la pauvre histoire, et aussi Shinie,  Big Jessie, Shela, Cassseline, Mable et  Philomèna.

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Giji est une femme douce, calme, réservée. On sent toute la tristesse qui est en elle. Et bien  sûr, si elle a manifesté les retrouvailles avec Josette de façon très joyeuse et chaleureuse, c’était avant tout l’émotion qui la submergeait. Pour Josette, c’était pareil. Elles sont restées l’une contre l’autre un bon moment…

Shinie a poussé des cris de joie quand elle a vu Josette. Elle riait et parlait de façon très volubile. Ses yeux ronds tournaient à toute vitesse en dodelinant la tête. Son visage rond transmettait toute la gaîté qui l’animait en ce jour de retrouvailles. Elle a fait claquer des grosses bises sur les joues de Josette. Les autres ont été aussi très chaleureuses,  mais j’ai senti que Giji et Shinie étaient l

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es préférées. Toutes ont des histoires dramatiques ou très difficiles. Toutes ont été victimes de violence de la part de leur mari ou de leur belle-famille.

L’histoire de Shinie n’est pas aussi dure que celle de Giji, mais elle est pas mal non plus.

Shinie est restée mariée 45 jours !!... Son mari est mort dans un accident de la route. Ses beaux-parents ne voulaient plus d’elle car elle n’avait pas porté chance à leur fils. Elle a donc voulu retourner chez ses propres parents, mais ceux-ci refusèrent ; Ils avaient payé la dote et ne pouvaient plus l’assumer financièrement … Elle sera donc recueillie chez les sœurs. Quelques semaines plus tard, elle s’aperçoit qu’elle est enceinte et accouche d’un joli garçon. Apprenant cela, les beaux-parents le réclament « c’est le fils de leur fils défunt… » Les sœurs négocient et imposent qu’ils prennent la mère et l’enfant. Ce fût fait, mais la vie fut impossible pour Shinie qui se retrouva dans l’état de domestique pour cette famille sans égard pour elle. C’est alors qu’elle entend parler de l’association qui vient d’ouvrir et s’y présente. Elle est dans les premières. Normalement, Josette sélectionne des mères qui ont des filles. Mais il y a de la place.

Souvent, Josette remarque que le matin, Shinie arrive  le sari mouillé. Pour plaisanter, elle lui propose de lui acheter un parapluie… Shinie lui avoue alors ses conditions de vie. Elle dort dans la pièce la plus délabrée de la maison avec un trou dans le toit qui provoque des gouttières, y compris sur son lit. En Inde, les gens prennent une douche le soir enfilent leurs habits pour le lendemain et se couchent avec sans drap de dessus.

Josette va voir les beaux-parents et les somme de lui donner une vraie chambre, sinon elle prendrait Shinie avec son fils en permanence à l’association ; ils s’exécutèrent … Shinie passait son temps à s’occuper des autres sans pouvoir penser à son avenir. Josette tentait de transmettre aux femmes accueillies, l’envie de se battre pour accéder à une vie meilleure. Au bout de quelques années, Shinie a eu l’opportunité d’acheter une petite maison dont les propriétaires étaient dans l’obligation de vendre. Le prix était accessible. Elle a vendu ses bijoux et a pu débloquer un prêt d’état car son mari était fonctionnaire. Des dons faits à l’association lui ont permis de compléter la somme. Aujourd’hui, elle rembourse toujours son prêt mais elle est chez elle et a pu couper les ponts avec ses beaux-parents. A  souffle de l’Inde, elle a appris à coudre à la machine et continue toujours de confectionner des pochettes en tissu et autres objets vendus ensuite dans des boutiques solidaires. Chez les sœurs, elle avait appris à broder et le fait extraordinairement bien. Le jour, elle travaille dans un atelier de couture.

Big Jessie, a deux filles quand son mari meurt de maladie. Elle se retrouve donc seule avec ses deux filles à marier. Pour l’ainée, elle donne sa maison en lise. C’est une sorte de gage. Elle ne pourra la reprendre  que si elle rachète ce gage, ce qui parait complètement impossible. N’ayant plus de maison, elle vit avec sa fille ainée. Lorsqu’elle arrive à l’association, sa deuxième fille est toujours scolarisée. Celle-ci tombe amoureuse d’un jeune homme et s’enfuit  avec lui  car, sans dote, sa famille n’en voulait pas. Ils ont fait un mariage civil mais sont toujours rejetés par leurs familles respectives. Même la fille ainée de Big Jessie ne veut plus en entendre parler. Big Jessie ne veut pourtant pas couper les ponts avec sa plus jeune fille et pendant quelques années, leurs rencontres ont lieu à l’association. La jeune femme vient souvent et rend quelques services puis, elle a un fils.  Aujourd’hui, Big Jessie vit toujours chez sa fille ainée. Elle ne travaille plus, pour des raisons de santé. Pour voir sa seconde fille et son petit-fils, elle vient chez Shinie.

conseil général de l'Isère, Souffle de l'Inde, Josette Rey, Brigitte PérilliéPhilomena, ses parents l’avait mariée à un fils unique. Quand il est mort, sa fille avait un an.  Elle est restée chez ses beaux-parents âgés et malades. Ils habitaient dans une maison insalubre et entourée de canaux nauséabonds. La petite a rapidement développé de l’asthme. Mais Philomena ne peut quitter cette maison, elle doit s’occuper de ses beaux-parents âgés jusqu’à leur fin. Aujourd’hui,  elle travaille chez la même couturière que Shinie. Le soir elle fait encore des trousses à bijoux pour Souffle de l’Inde. C’est elle qui a la couture la plus soignée.

Shela, appartenait à une famille de deux filles. Elle a été mariée, mais pas sa sœur qui a une peau trop foncée. Les filles à peau claire sont plus faciles à marier, leur dote est moins importante. Elle a eu un fils et une fille. Dans sa toute petite maison, il y avait le couple, les deux belles mères, les deux enfants et la sœur célibataire. Seules Shela et sa sœur travaillent pour nourrir la maisonnée. Son mari, alcoolique, la frappe et lui prend son argent.

Leur propre mère morte, les deux jeunes femmes ont l’occasion de partir dans le Golfe pour des emplois de ménage. La belle-mère reste donc seule avec son fils alcoolique et les enfants à élever. Leurs conditions de vie étaient là aussi un véritable esclavage. Elles dormaient dans un placard et devaient être totalement disponibles pour les familles qui les employaient. Malgré tout, Shela a pu économiser son salaire et a acheté de l’or pour marier sa fille. Un jour, elle donne les bijoux à sa belle-mère, avec qui elle s’entend bien, pour qu’elle les garde. Mais au bout de quelques temps, la belle mère meurt et Shela doit rentrer.  C’est là qu’elle s’aperçoit que les bijoux ont disparu. Son mari violent la bât chaque jour. Vaillante, elle continue malgré tout à faire des ménages. Malheureusement, le mari tombe malade et elle ne peut plus sortir travailler. En plus, il n’y a pas de protection sociale en Inde, il faut emprunter pour se soigner. La famille n’a plus rien et vit de mendicité et de la charité de l’église. Quand son mari meurt, elle entend parler de Souffle de l’Inde et demande à y travailler. La sœur, restée dans le golfe, l’aide à financer le mariage de la fille. La maison tombait en décrépitude lorsqu’elle arrive à l’association. C’est un de ses bénévoles qui lui a réparée. Son fils est rentré dans les ordres et ne pourra  pas la prendre en charge pour sa vieillesse. Aujourd’hui elle travaille chez un tailleur et le soir elle fait des vêtements pour des voisins. Elle a un toit à elle.

Mable, avait un mari adorable qui est mort de maladie. Cela a été assez rapide pour ne pas ruiner la famille. Elle a un fils et une fille à marier.  Elle donne donc sa maison en « lise » mais peut garder une pièce pour sa petite famille. Elle a rapidement travaillé à l’association grâce à qui elle a pu élever ses deux enfants.  La fille s’est mariée et le fils a arrêté l’école assez tôt. Il a échoué à l’école et s’est mis à travailler dans le golfe. Il a pu racheter la lise. Mable est diabétique et doit emprunter pour se soigner. Elle vit avec son fils qui est lui-même marié.

conseil général de l'Isère, Souffle de l'Inde, Josette Rey, Brigitte PérilliéCasseline, a été veuve très jeune avec une seule fille. N’avait pas de maison à elle et payait un loyer qu’elle n’arrivait plus à assumer. Son frère l’a recueillie mais il était handicapé mental. Il lui avait laissé une pièce pour elle et sa fille. La maison tombait en ruine. Les volets ne feraient plus. Sa belle sœur était terrible avec elle et les deux femmes se battaient continuellement. Casseline arrivait souvent en pleurant et un jour josette s’est aperçue qu’elle empruntait de l’argent aux autres femmes. Sa belle-sœur lui prenait toute sa paie et elle n’avait plus rien pour manger. Elle devait donc emprunter. Casseline est assez passive et fataliste. Josette lui expliqua qu’elle ne pouvait plus garder sa fille, si elle restait dans l’impossibilité de la nourrir. Elle lui proposa qu’elle et la petite restent à l’association. Heureusement la jeune fille était brillante à l’école et rapidement elle travaille dans un call center pour payer sa dote. Aujourd’hui, la belle-sœur et le frère sont morts et Casseline a hérité de la maison. La fille l’a fait raser et a reconstruit une autre maison, saine.

Nous partageons, toutes ensemble, sur un coin de table, le repas de l’amitié : du Byrianie au poulet avec un shutney de dates et épices ; délicieux. En dessert, de la Payasam, espèce de soupe de vermicelles ou de riz concassé au lait de coco sucré et du Ghee, des raisins secs, des noix de cajou ou des cacahuètes et de la cardamone. Un peu bourratif et douçâtre à mon goût, mais mangeable.

Ce fût aussi l’occasion de goûter le fruit du jacquier, entre banane et ananas. Très bon !

Dans l’après-midi, je leur montre le film tourné lors de l’anniversaire à Pondichery, des larmes d’émotion perlent sur leurs yeux. Souffle de l’Inde est parti. Elles sont seules désormais pour continuer leur chemin. Mais, elles restent soudées. On doit dire que l’association n’avait pas vocation à les suivre à très long terme… L’essentiel, c’est qu’elles aient toutes un travail aujourd’hui qui leur permet de vivre, ou presque. Seules deux d’entre elles sont maintenant trop âgées pour trouver un travail. Pourtant elles ont des compétences.

Giji a aussi la cinquantaine bien avancée, mais elle est la plus instruite de toutes. Elle parle très bien l’anglais et travaille dans une compagnie de téléphone.

En  10 ans, josette leur a appris à relever la tête, à se battre pour vivre mieux, elle leur a redonné leur dignité.

21/02/2013

Samedi 16 février, de Munnar à Kotchi.

La journée commence donc par la visite du musée du Thé de la compagnie Kanan Devan Hills. Il y a là un certain relent de colonialisme anglais. Mais aujourd’hui la compagnie est essentiellement indienne, les Britanniques n’ont pu conserver que 16% des parts. Je découvre avec surprise que ces plantations datent seulement de la fin du 19ème siècle.

Nous reprenons la route après avoir fait le plein de thé noir et vert… et, c’est reparti pour le safari photo à travers les plantations. Elles semblent coupées aux ciseaux (c’est le cas). En fait ce sont les femmes qui cueillent une à une les feuilles à maturité. Elles portent un lourd sac sur le dos et un épais tablier de caoutchouc sur la poitrine et le ventre pour ne pas se blesser en allongeant les bras… En route je découvre l’arbre à pain ou fruit du Jacquier, énorme masse légèrement oblongue et granuleuse. Je bois un jus de coco vert.  ( le coco vert est bon pour son jus légèrement sucré, alors que la noix de coco, marron et poilue, plus connue chez nous, est bonne pour sa pulpe). J’ai l’occasion aussi de photographier un cacaotier et un champ d’ananas.

Nous amorçons la descente et retrouvons la chaleur de la plaine. Ce coin parait être la Suisse de l’Inde. Les maisons y sont cossues et fleuries. La rue semble moins sale mais, subsistent malgré tout, des masures aussi pauvres que de l’autre côté de la montagne. Pourtant, ce pays peut être qualifié de cocagne. Tout y pousse en abondance. A midi je goute mon premier curry de poisson, froid mais excellent !

La conduite indienne, comment la qualifier ? Incroyable ! Vaut mieux pas regarder la route… le chauffeur se croit obligé de doubler en toutes circonstances… de quoi faire de l’huile, quand on est à l’arrière. Vaut mieux faire confiance, pas le choix, mais sans le klaxon, je ne sais comment il ferait. J’ai toujours l’impression de l’entendre, 3 heures après…

Après 130 km, nous arrivons à Kochi. C’est la capitale du Kérala, célèbre pour ses embouteillages. Il est 16h et nous n’y coupons pas ! Nous arrivons dans une nouvelle maison d’hôte du nom d’Ellim. Rien à voir avec celle de la veille. Celle-ci est cossue, parfaite. Elle a été construite par un homme qui a longtemps travaillé au Katar dans un service qualité. Rien à voir avec tout ce que j’ai vu depuis 10 jours. C’est neuf,  salle de bain carrelée de haut en bas, sanitaires immaculés, qui fonctionnent bien, clim, personnel charmant et tutti canti, seulement pour 2000 roupies la nuit. Je vous la recommande Nous y resterons deux nuits.

le soir, Josette m'offre une séance de Kathakali qui est du mime dont l'objet est de d'exorciser les mauvais esprits. C'est superbe, le spectacle commence avec le maquillage des faciès des danseurs et continue par des danses et mimes sur une musique de percussions chantée. Magnifique. J'ai filmé quelques scènes.

 

 

Vendredi 15 février, Madurai - Munnar

De Madurai, nous allons traverser la péninsule indienne pour rejoindre kochi, sur l'autre rivage. La route est longue, nous allons franchir la montagne qui sépare le Tamil Nadu du Kérala. Nous passerons par Munnar, ville du thé et des épices. 

Hier soir, à Madurai, à notre retour à l’hôtel, nous prenons vraiment possession de nos chambres. Nous les voyons de plus en plus sales. Il y a un vacarme monstre, cela doit être un générateur car en Inde, il y a constamment des pannes de courant. Même chez Josette, une panne a duré plusieurs heures. Le linge semble gras. Les salles de bains, en marbre rouge, ne sont que sommairement essuyées, Nous faisons changer les taies d’oreiller, mais celles qu’on nous amène ne sont pas mieux. En fait, ils doivent faire laver le linge à la main. J’ai remarqué l’après-midi, qu’il y a derrière l’hôtel, des  grands lavoirs à l’ancienne. Des femmes y battent le linge. Je n’ose pas imaginer dans quelle eau elles lavent tout ça !

Le matin, à l’hôtel, il n’est pas prévu de prendre un petit déjeuner. Nous nous attablons donc dans un bar-restaurant indien. C’est l’occasion de manger comme eux. Purri pour Jayan et un dosa pour Josette et moi. Je prends des photos car c’est spectaculaire. Ce sont d’énormes crêpes présentées sur une feuille de bananier que l’on agrémente de sauces diverses. J’en trouve une blanche, assez fade et m’y tiens car je n’aime pas avoir les papilles agressées le matin. Les autres sont pimentées. Puis il est temps de prendre la route. Je suis incapable de citer les heures, car en Inde, c’est comme en Afrique, cela ne compte pas vraiment. On fait les choses, quand on peut, en son temps.

Nous prenons donc la route pour Munnar, 165 Km. Traversée vertigineuse dans un Madurai bien encombré et enfin nous sortons de la ville pour longer encore une vaste plaine, en direction des montagnes. Nous longeons de grands champs de cannes à sucre.

Le Tamil Nadu est très agricole. Vers Pondichéry et tout le long de la côte nous avons vu des champs de riz, cacahuètes, noix de cajou, puis plus au sud de cannes à sucre. Des cocotiers et bananiers poussent de partout. Josette me dit que le Tamil Nadu produit beaucoup de légumes mais je n’en ai pas vu. En tout cas, il ne manque rien. Les marchés regorgent de tous les légumes. Les aubergines sont toutes petites et presque rondes et marbrées. Tous les indiens pourraient être nourris correctement si le pays fonctionnait mieux. Mais ils sont assez indolents et fatalistes. La corruption, à tous les niveaux, paralyse le pays.

Pendant le voyage, Josette me raconte l’histoire d’une des femmes, Giji que nous allons retrouver à Kochi et qui travaillait à l’atelier de Souffle de l’Inde. Cette femme venait de perdre son mari et était plongée dans un profond désespoir.  Elle pleurait depuis des mois sans sortir de chez elle. C’est son père qui est venu frapper à la porte de l’association. Il n’en pouvait plus. Diji avait un fils d’une dizaine d’années et ne s’en occupait plus. Josette alla la voir et constata qu’elle était éduquée et malgré que l’atelier soit au complet, elle pourrait apporter une aide. Elle accepta donc de la prendre. La jeune femme était en semi léthargie et restait toute la journée allongée sur un petit lit installé dans l’atelier. Progressivement, elle a redressé la tête et s’est intéressée aux autres. Petit à petit, elle s’est mêlée aux conversations et a pris part aux travaux. Elle reprenait le dessus. Au Kerala, les femmes d’un certain milieu sont presque trop choyées. Elles sont préservées de tout, restent au foyer et ne peuvent envisager de travailler à l’extérieur. Si elles gardent la peau claire, c’est un signe de niveau social élevé. Le prix à payer est la dépendance au mari, à sa famille et l’impossibilité de se projeter dans une autre forme de vie. Diji a donc repris de l’assurance et s’est montrée capable de diriger quelques opérations pour l’atelier. Pendant ce temps son fils grandissait, venait souvent à l’atelier et réussissait ses études. Au Kérala l’école est obligatoire, contrairement au Tamil Nadu. Ce jeune homme était le premier enfant parmi tous ceux des veuves accueillies, capable de faire une école d’ingénieur en informatique. Josette avait avancé quelques sommes pour rendre son inscription faisable. Ce jeune, très proche de sa mère, déjà âgé de 18 ou 20 ans, partit un week-end avec un ami pour faire un pèlerinage. Le Kerala est majoritairement chrétien. En route, le pire arriva. Un camion chargé de longues tiges de fer était stationné feux éteints et la voiture où étaient ce jeune et son ami fonça dedans sans freiner. Ils furent tués sur le coup. Ce fût le coup de grâce pour cette femme, qui n’avait plus personne à aimer. Toutes les femmes de l’atelier étaient sous le choc et ne pouvaient plus continuer à se battre, non plus. Josette ferma l’atelier pendant un mois pour respecter leur deuil. Mais au Kerala, les choses ne s’arrêtent pas là. Chaque jour Diji pris l’habitude d’aller sur la tombe de son fils. Au bout d’un an, alors que Josette revenait de France, elle sentit un nouveau malaise chez elle et les autres femmes. Elle apprit après quelques questions, qu’au Kérala, lorsqu’on ne peut acheter une concession, le corps du défunt est enterré pour un an. Ensuite, ses restes vont dans un ossuaire. Un matin, Giji ne trouva plus la tombe de son fils et ne sut plus où aller le pleurer.

Le temps de cette histoire et nous amorçons la montée de Munnar. Il y a des arbres magnifiques qui s’étalent en plateau et qui me font penser à des arbres peints dans les estampes japonaises. On s’arrête pour quelques photos. Sur le bord de la route, un parfum délicat nous enveloppe. Il fait très chaud mais les oiseaux chantent, c’est très agréable. Nous sommes enfin sortis de la tourmente citadine et des odeurs nauséabondes.

Plus nous montons, plus la route est chaotique, comme celles d’Afrique, partiellement emportées par les moussons. Il ne faut pas avoir mal au dos, les suspensions de la voiture sont sommaires. Mais nous nous arrêtons plusieurs fois pour photographier la plaine que nous laissons derrière nous. Plus nous prenons de l’altitude, plus la végétation change. Elle me fait un penser à l’Ardèche, sèche et odorante. On distingue nettement les eucalyptus.

Rapidement nous passons la frontière et c’est une découverte botanique qui commence. Des verveines hautes, oranges, d’environ un mètre de hauteur, bordent la route en épais buissons. Des volubilis bleus s’y entremêlent au grès de leur envie… Les côtés restant à l’ombre sont chargé de daturas blancs. Au bord de la route, des paysans vendent les fruits de la passion. Ils sont excellents. Puis, on arrive aux plantations de cardamone, où se mélangent des pieds de poivriers, cacaotiers et de caféiers. Les plants de thé arrivent un peu plus haut.