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21/02/2013

Vendredi 15 février, Madurai - Munnar

De Madurai, nous allons traverser la péninsule indienne pour rejoindre kochi, sur l'autre rivage. La route est longue, nous allons franchir la montagne qui sépare le Tamil Nadu du Kérala. Nous passerons par Munnar, ville du thé et des épices. 

Hier soir, à Madurai, à notre retour à l’hôtel, nous prenons vraiment possession de nos chambres. Nous les voyons de plus en plus sales. Il y a un vacarme monstre, cela doit être un générateur car en Inde, il y a constamment des pannes de courant. Même chez Josette, une panne a duré plusieurs heures. Le linge semble gras. Les salles de bains, en marbre rouge, ne sont que sommairement essuyées, Nous faisons changer les taies d’oreiller, mais celles qu’on nous amène ne sont pas mieux. En fait, ils doivent faire laver le linge à la main. J’ai remarqué l’après-midi, qu’il y a derrière l’hôtel, des  grands lavoirs à l’ancienne. Des femmes y battent le linge. Je n’ose pas imaginer dans quelle eau elles lavent tout ça !

Le matin, à l’hôtel, il n’est pas prévu de prendre un petit déjeuner. Nous nous attablons donc dans un bar-restaurant indien. C’est l’occasion de manger comme eux. Purri pour Jayan et un dosa pour Josette et moi. Je prends des photos car c’est spectaculaire. Ce sont d’énormes crêpes présentées sur une feuille de bananier que l’on agrémente de sauces diverses. J’en trouve une blanche, assez fade et m’y tiens car je n’aime pas avoir les papilles agressées le matin. Les autres sont pimentées. Puis il est temps de prendre la route. Je suis incapable de citer les heures, car en Inde, c’est comme en Afrique, cela ne compte pas vraiment. On fait les choses, quand on peut, en son temps.

Nous prenons donc la route pour Munnar, 165 Km. Traversée vertigineuse dans un Madurai bien encombré et enfin nous sortons de la ville pour longer encore une vaste plaine, en direction des montagnes. Nous longeons de grands champs de cannes à sucre.

Le Tamil Nadu est très agricole. Vers Pondichéry et tout le long de la côte nous avons vu des champs de riz, cacahuètes, noix de cajou, puis plus au sud de cannes à sucre. Des cocotiers et bananiers poussent de partout. Josette me dit que le Tamil Nadu produit beaucoup de légumes mais je n’en ai pas vu. En tout cas, il ne manque rien. Les marchés regorgent de tous les légumes. Les aubergines sont toutes petites et presque rondes et marbrées. Tous les indiens pourraient être nourris correctement si le pays fonctionnait mieux. Mais ils sont assez indolents et fatalistes. La corruption, à tous les niveaux, paralyse le pays.

Pendant le voyage, Josette me raconte l’histoire d’une des femmes, Giji que nous allons retrouver à Kochi et qui travaillait à l’atelier de Souffle de l’Inde. Cette femme venait de perdre son mari et était plongée dans un profond désespoir.  Elle pleurait depuis des mois sans sortir de chez elle. C’est son père qui est venu frapper à la porte de l’association. Il n’en pouvait plus. Diji avait un fils d’une dizaine d’années et ne s’en occupait plus. Josette alla la voir et constata qu’elle était éduquée et malgré que l’atelier soit au complet, elle pourrait apporter une aide. Elle accepta donc de la prendre. La jeune femme était en semi léthargie et restait toute la journée allongée sur un petit lit installé dans l’atelier. Progressivement, elle a redressé la tête et s’est intéressée aux autres. Petit à petit, elle s’est mêlée aux conversations et a pris part aux travaux. Elle reprenait le dessus. Au Kerala, les femmes d’un certain milieu sont presque trop choyées. Elles sont préservées de tout, restent au foyer et ne peuvent envisager de travailler à l’extérieur. Si elles gardent la peau claire, c’est un signe de niveau social élevé. Le prix à payer est la dépendance au mari, à sa famille et l’impossibilité de se projeter dans une autre forme de vie. Diji a donc repris de l’assurance et s’est montrée capable de diriger quelques opérations pour l’atelier. Pendant ce temps son fils grandissait, venait souvent à l’atelier et réussissait ses études. Au Kérala l’école est obligatoire, contrairement au Tamil Nadu. Ce jeune homme était le premier enfant parmi tous ceux des veuves accueillies, capable de faire une école d’ingénieur en informatique. Josette avait avancé quelques sommes pour rendre son inscription faisable. Ce jeune, très proche de sa mère, déjà âgé de 18 ou 20 ans, partit un week-end avec un ami pour faire un pèlerinage. Le Kerala est majoritairement chrétien. En route, le pire arriva. Un camion chargé de longues tiges de fer était stationné feux éteints et la voiture où étaient ce jeune et son ami fonça dedans sans freiner. Ils furent tués sur le coup. Ce fût le coup de grâce pour cette femme, qui n’avait plus personne à aimer. Toutes les femmes de l’atelier étaient sous le choc et ne pouvaient plus continuer à se battre, non plus. Josette ferma l’atelier pendant un mois pour respecter leur deuil. Mais au Kerala, les choses ne s’arrêtent pas là. Chaque jour Diji pris l’habitude d’aller sur la tombe de son fils. Au bout d’un an, alors que Josette revenait de France, elle sentit un nouveau malaise chez elle et les autres femmes. Elle apprit après quelques questions, qu’au Kérala, lorsqu’on ne peut acheter une concession, le corps du défunt est enterré pour un an. Ensuite, ses restes vont dans un ossuaire. Un matin, Giji ne trouva plus la tombe de son fils et ne sut plus où aller le pleurer.

Le temps de cette histoire et nous amorçons la montée de Munnar. Il y a des arbres magnifiques qui s’étalent en plateau et qui me font penser à des arbres peints dans les estampes japonaises. On s’arrête pour quelques photos. Sur le bord de la route, un parfum délicat nous enveloppe. Il fait très chaud mais les oiseaux chantent, c’est très agréable. Nous sommes enfin sortis de la tourmente citadine et des odeurs nauséabondes.

Plus nous montons, plus la route est chaotique, comme celles d’Afrique, partiellement emportées par les moussons. Il ne faut pas avoir mal au dos, les suspensions de la voiture sont sommaires. Mais nous nous arrêtons plusieurs fois pour photographier la plaine que nous laissons derrière nous. Plus nous prenons de l’altitude, plus la végétation change. Elle me fait un penser à l’Ardèche, sèche et odorante. On distingue nettement les eucalyptus.

Rapidement nous passons la frontière et c’est une découverte botanique qui commence. Des verveines hautes, oranges, d’environ un mètre de hauteur, bordent la route en épais buissons. Des volubilis bleus s’y entremêlent au grès de leur envie… Les côtés restant à l’ombre sont chargé de daturas blancs. Au bord de la route, des paysans vendent les fruits de la passion. Ils sont excellents. Puis, on arrive aux plantations de cardamone, où se mélangent des pieds de poivriers, cacaotiers et de caféiers. Les plants de thé arrivent un peu plus haut. 

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