24/09/2014
L’enfance en danger, le tableau est-il si noir ?
Il m’a semblé important de réagir au reportage diffusé mardi 16 septembre sur France 5.
Comme à l’accoutumée, ce reportage a été exclusivement à charge, sans distance, sans exemple d’actions plus vertueuses qui pourraient montrer aux téléspectateurs d’autres possibles. Pourtant tout n’est pas égal par ailleurs !
L’aide sociale à l’enfance est un grand sujet, trop peu souvent traité par les media, sauf, lorsque que l’on constate des dysfonctionnements.
Pourtant, il y a beaucoup à dire dans ce domaine, d’abord parce que l’enfance en danger est douloureuse pour les enfants et les familles et difficile à gérer pour les institutions. Elle est douloureuse aussi parce qu’elle nous renvoie tous à notre propre vécu ou à notre propre indifférence au quotidien. C’est aussi un domaine qui souffre du peu d’engagement citoyen, c’est-à-dire, engagement désintéressé, engagement humaniste sans d’autre visée que la protection des enfants et de leurs familles.
Vice-présidente au Conseil général de l’Isère, chargée de ce domaine d’intervention publique, comment je ressens la situation ?
D’abord il faut reconnaitre que l’Aide sociale à l’enfance (ASE) est un corps professionnel assez fermé qui n’a pas vraiment pris l’habitude de partager ses pratiques avec ceux qui sont chargés de les financer comme avec ceux pour qui il travaille, c’est – à – dire les enfants et leurs familles. C’est son principal écueil ! Ce qui ne l’empêche pas d’avoir le souci de la protection de l’enfant et de son intérêt supérieur. Un paradoxe en quelque sorte !
L’ASE est l’héritage de l’ancienne DDAS, service déconcentré de l’Etat dans les départements, et qui est toujours dans les consciences collectives. La DDAS n’avait, jusqu’à la décentralisation administrative de 1983, jamais été confrontée aux relations avec les élus-décideurs. Depuis trente ans, la DDAS devenue ASE n’a pas assez intégré ce rapport aux élus et souvent même le conteste. Il y a les « sachants » et les ignorants… Ceux-ci aussi ne se sont sans doute pas assez investis dans ce sujet, tout accaparés qu’ils étaient à protéger leur développement local, leur commune. Et, c’est là son deuxième écueil.L’enfance en danger est donc un service qui s’est longtemps pensé à part des autres services sociaux… On peut aussi élargir cet état à la protection maternelle et infantile (PMI). Les critiques qui surgissent aujourd’hui découlent sans doute de cet état de fait. Mais, ce n’est pas pour autant que rien ne change, qu’aucune nouvelle orientation ne s’exerce notamment de la part de ceux qui détiennent les responsabilités politiques et de gestion. Mais les réformes à faire sont profondes et demandent du temps, du temps de concertation, du temps pour les changements de paradigmes.
Au Conseil général de l’Isère nous nous y employons depuis plusieurs années. Il est vrai que les crédits alloués à l’enfance en danger ne faisaient jamais débat jusqu’à la crise de 2009. Tout contrits qu’étaient les élus et les professionnels à penser que ces enfants vivaient des choses tellement dures qu’on n’allait pas regarder à la dépense. J’en ai moi-même été très étonnée de cela lorsque j’ai eu la responsabilité de l’enfance en danger. « Budget no limit », m’a-t-on dit à la direction centrale… Mes trente ans d’action publique au sein de collectivités locales et en tant que formatrice sur les politiques locales, ne m’avaient jamais laissé entrevoir une telle réalité. Tous les budgets sont par essence limités quel que soit l’objet pour lequel ils sont attribués… Pas de déficits possibles dans les collectivités locales, c’est bien connu. J’étais donc interloquée !
Mais en Isère, des contrôles financiers, des conférences de gestion existent depuis plusieurs années et ont bien contribué à réduire quelques débordements. Des contrôles qualitatifs ont aussi conduit à des fermetures d’établissements. Ceux-ci ont dû revoir leurs pratiques ou leur organisation. Les débordements constatés étaient plus souvent dû à des individus ou des personnalités particulières dans les établissements que par une soi-disant carence d’encadrement. Par ailleurs, les familles d’accueil et les lieux de vie n’ont jamais leur agrément à vie. Celui-ci peut être remis en cause à tout moment.
2009, année où la crise financière commençait à se faire sentir, mais aussi année où les statistiques et les demandes de crédits supplémentaires flambaient, m’a confortée dans l’idée que l’on pouvait faire tout aussi bien mais autrement ; que des marges de manœuvre existaient et que compte-tenu de la masse financière que représentait ce budget (plus de 110 millions d’Euros), des économies seraient là significatives et nous éviteraient des coupes sombres sur des petits budgets, menaçant par essence leur existence. Mais si cette perspective a mis du temps à émerger, elle est là aujourd’hui.
Comme il n’est pas question de limiter les publics bénéficiaires des actions, qui croissent en temps de crise, il fallait rebâtir l’organisation en vigueur et revoir les prescriptions et actions en matière d’aide sociale à l’enfance. Il nous fallait aussi mettre en application les orientations de la loi de mars 2007 qui changent considérablement l’articulation des différents niveaux d’intervention.
Alors, comment faire ?
Miser sur la prévention plutôt que le « tout réparation ». Agir sur les parents autant que sur les enfants pour que ceux –ci puissent reprendre leur place d’éducateurs auprès de leurs enfants… autant que faire se peut, bien évidemment. Mettre l’ensemble de nos services et partenaires en synergie.
Un premier diagnostic participatif s’est enclenché en 2010 et a duré 2ans pour arriver à des réorganisations et des changements de pratiques professionnelles dans les services de l’ASE et de la PMI du Conseil général. Changements toujours en cours aujourd’hui qui bouleversent, nous en sommes bien conscients, les habitudes mais qui ont le mérite de rechercher aussi toutes les compétences auprès de nos partenaires dans un souci de complémentarité, donc sans redondance de rôle.
Puis nous avons entrepris une orientation forte en 2013 pour bouleverser les équilibres dans les placements des enfants. Passer de 70 % à 50% de placements en milieu collectif (environ 2300 enfants sont concernés en Isère). Aujourd’hui nous espérons aller jusqu’à 70 % de placements en familles d’accueil.
Cet objectif a eu un effet de bombe dans le département car il modifiait l’équilibre économique de la profession mais aussi les pratiques professionnelles. Une année consacrée à la concertation avec les partenaires et nos services, nous a permis de dégager une autre voie, celle de la prévention renforcée à domicile. Donc, moins de placements et plus d’actions éducatives avec une présence soutenue de nos éducateurs spécialisés auprès des parents comme des enfants (2500 enfants environ sont actuellement concernés en Isère).
Il est important de rappeler que tout cela ne peut se mettre en œuvre sans un consentement de la part des juges qui sont les premiers prescripteurs d’actions éducatives et de placements. Leur association à la réforme a été conduite.
Mais je tiens à dire qu’aujourd’hui, penser élaborer un projet d’avenir pour un enfant sans la participation des parents est illusoire dans bien des cas. La loi 2007 a prévu un projet pour l’enfant qui implique les parents et nous le mettons en œuvre.
Nous en sommes là et j’espère que cela donnera tous les résultats attendus tant en termes d’efficacité sociale qu’économique. Non l’ASE n’est pas un kidnappeur d’enfants, non l’ASE n’a pas à se substituer aux parents, sauf quand il est avéré qu’ils sont empêchés pour diverses raisons ou absents durablement. L’ASE est un service public au service des familles et de leurs enfants, dans un souci d’apaiser les tensions et difficultés qui minent.
C’est un véritable défi qui s’est enclenché, à l’aulne de la loi de 2007, mais aussi ce sont des économies à réaliser dans une période de réduction de l’argent public. Mais qui dénoncera un meilleur emploi de nos ressources pour plus de prévention globale ou de prévention ciblée sur les publics fragiles. Pas moi, en tout cas !
Brigitte Périllié, Vice présidente chargée de l’enfance en danger et de la famille
22:58 Publié dans 6. Enfance en danger | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : enfance en danger, conseil général de l'isère, brigitte périllé
03/04/2013
L'enfance en Danger : mise en route d'une réforme en Isère
Depuis une dizaine de jours, les éducateurs spécialisés du département sont en émoi et s’inquiètent face à nos annonces de restructuration du dispositif de l’enfance en danger de l’Isère. Ce dispositif comprend les services de l’aide sociale à l’enfance du Conseil général (ASE), environ 25 établissements d’accueil collectif et environ 500 assistantes familiales. Ils totalisent 1300 places collectives (100 hors Isère) pour 1000 places familiales.
L’accueil collectif et l’accueil familial s’équilibrent entre 45 et 55% au profit du collectif. Nous voulons retourner cette répartition pour atteindre à moyen terme, d’ici trois ans, 60 % d’accueil familial. Pour cela 300 places (dont 100 hors Isère) seront reconverties en 300 places familiales et d’accompagnement à domicile
Pourquoi ce choix ? Pourquoi cette échéance ?
Ce choix est guidé par un projet éducatif volontariste, avec un fort sentiment que le parcours éducatif de l’enfant doit se faire le plus souvent avec les parents, que le placement hors du domicile familial doit être le dernier recours, quand tout a échoué.
Nous voulons parier qu’un renforcement conséquent des actions éducatives à domicile peut contribuer à restaurer l’autorité parentale nécessaire et en tout cas, à mieux accompagner les parents dans leurs responsabilités envers leurs enfants.
Pour autant, si cette optique vise à réduire le nombre de placements, ils ne disparaitront pas pour autant. Dans ce cas, nous voulons privilégier le placement en famille d’accueil. Le collectif devenant, non une norme, mais un temps d’évaluation de la situation et de soupape, lorsque les familles ont besoin d’être soulagées. Que ce soient les familles d’accueil comme les familles biologiques. Le placement en famille d’accueil s’entend plus volontiers sur du long terme, alors que le placement collectif doit le plus souvent s’appliquer pour de courts séjours. Le placement familial doit être privilégié pour les jeunes enfants. Ceci est évidement une généralité qu’il convient de revoir au vu de chaque cas. Ce seront les professionnels de l’ASE qui décideront et les juges, lorsque la mesure est judiciarisée.
Cette échéance est guidée par l’idée que fixer un cap à trop long terme, pour une restructuration, ne permet pas de cibler une stratégie efficace. En un mot, au-delà de cinq ans, les incertitudes l’emportent et les actions à mener pour atteindre l’objectif risquent de devenir peu palpables. Hors l’enjeu est de taille dans le contexte actuel de resserrement des crédits publics, alors que les populations fragilisées socialement croissent. Pour notre collectivité, comme pour toutes les autres, nous avons le devoir de maitriser nos coûts tout en continuant d’accompagner toutes les familles et les enfants en difficulté. Nous le ferons, mais pour cela il faut revoir nos modes d’intervention. Ce plan de redéploiement prévoit un renforcement des actions éducatives en milieu ouvert, pour entreprendre un suivi resserré des enfants et de leurs parents.
Le coût d’un enfant en établissement tourne en moyenne autour de 4 500 € par mois avec des établissements à 6 000 €, lorsqu’un accueil en famille d’accueil coûte environ 2500 € par enfant et par mois. L’accompagnement à domicile est aussi beaucoup moins coûteux et souvent moins traumatisant qu’une séparation. Chaque solution doit pouvoir s’appliquer en fonction des besoins de l’enfant et non pas par manque de solutions alternatives. C’est ce que nous visons.
Autre précision, les reconversions de places collectives en places familiales se feront au fur et à mesure de nos recrutements d’assistantes familiales. Il n’y aura aucune perte de places d’accueil.
La direction de l’insertion et de la famille y travaille chaque jour en lien avec les territoires concernés. Tous les établissements visés sont invités à nous faire des propositions de restructuration.
Je suis de près ce dossier et reste à l’écoute de tous ceux qui veulent m’interpeler sur ce sujet.
17:20 Publié dans 6. Enfance en danger | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : enfance en danger, conseil général isère, brigitte périllié
25/02/2013
Samedi 23 février, Sharana, réception machines
Ce matin, nous sommes allées rendre visite à Rajkala, la présidente de Sharana. Elle vient de perdre son beau-père et ne vient donc pas à l’association pendant une semaine. C’est le temps que prend la famille du défunt pour recevoir les condoléances de la part de tout l’entourage et commencer son deuil. Nous sommes venues porter des fleurs au défunt comme il se doit et, je voulais aussi parler un peu avec elle des contacts que nous pourrions avoir pour la suite. Je l’ai invitée à passer en Isère, lors de l’un de ses prochains voyages en France. Nous pourrions lui montrer et lui expliquer comment nous concevons la protection de l’enfance et l’état de nos réflexions en la matière. Je lui ai également parlé de l’invitation faite à Amala sur les violences faites aux femmes. Elle était bien sûr, d’accord, très intéressée et m’a remerciée de cette invitation.
Je n’ai peut-être pas très bien expliqué comment la coopération entre Souffle de l’Inde et Sharana s’est mise en place. Rajkala qui appartient à la bourgeoisie indienne, vit confortablement. Elle a créé Sharana, il y a quelques années pour venir en aide aux enfants défavorisés en subventionnant leurs études avec des parrainages, les nourrissant, les habillant .Elle a aussi ouvert un centre pour les enfants des rues de Pondichéry. Elle y met régulièrement ses propres finances, mais cela est loin de suffire aux besoins. Elle a donc fait appel à la générosité de nombreux donateurs, en Inde mais aussi en Europe. Pour recueillir des fonds, des Français ont créé une autre association, Sharana-France qui est basée dans la région parisienne (il y a une forte communauté française à Pondichéry). Cette association gère les parrainages de quelques 800 enfants, recueille des dons et vend les productions de Sharana (spiruline, vêtements, objets en bois du centre d’apprentissage), comme le faisait Souffle de l’Inde à Cochin. Il y aussi pas mal de volontaires qui viennent de France, donner un coup de main dans les shelters (refuges) et Day care centers.
Comme je l’ai dit précédemment, au fil du temps, les travailleurs sociaux ont réalisé que recueillir les enfants, les éduquer ne suffisait pas, si rien était fait avec les parents, notamment les mères. C’est comme cela qu’ils ont créé l’atelier de couture et de confection d’objets divers. Une autre jeune femme, Joshna, a tenté également la création d’un atelier d’insertion. Mais sans compétences suffisantes de gestion et management, elle y a englouti beaucoup d’argent. Elle a donc rejoint Sharana et obtient des petites fabrications en séries de sacs en tissus pour des magasins de Pondichéry mais aussi de Paris. Joshna est assez créatrice pour inventer de jolis objets (tongs, sandales…) et des sacs en tissu, mais l’atelier ne fonctionnait pas suffisamment. La spécialité de Sharana étant la protection de l’enfance en danger, l’accompagnement des femmes ayant de très faibles compétences restait assez difficile à assumer pour l’association.
De son côté, Josette rencontrait des difficultés à Cochin, notamment liés à la corruption de la police qui faisait peser des pressions énormes sur son atelier. Elle devait absolument faire appel à un manager – homme - pour conduire l’association indienne. Au Kérala, les femmes qui entreprennent n’ont aucune crédibilité et sont constamment inquiétées, suspectées de prostitution. Ce pays est encore sous un régime étatique très procédurier et inquisiteur. Les seules personnes sur qui elle pouvait compter, lorsqu’elle rentrait en France, étaient Giji et Shinie, pleines de bonnes volontés mais elles aussi, en manque d’autorité. Pour des raisons familiales, Josette a dû passer quelques semaines à Pondichéry et a constaté que le climat y était plus clément, plus tempéré, l’atmosphère plus aérée. Il est vrai qu’ici, une brise de mer balaye constamment le rivage. Cochin, plus au sud et sur l’autre rive de l’Inde est plus chaude, très étouffante. Josette a des problèmes de santé et voulait trouver un cadre plus « facile » pour pérenniser son action envers les veuves. C’est là qu’elle entend parler de Sharana et de son atelier de femmes. Elle prend donc contact et propose sa collaboration. Rajkala, accepte, d’autant plus qu’elle avoue bien volontiers que la direction de l’atelier est compliquée et qu’elle souhaiterait développer des compétences pour les ventes et la conduite des productions. Souffle de l’Inde et en particulier, Josette, a une solide expérience dans ce domaine. La complémentarité des rôles est trouvée. Sharana reste fixée sur l’enfance en danger, avec quand même un regard sur les mères et, Souffle de l’Inde se charge de l’atelier et des ventes. Josette installe donc une boutique solidaire à l’étage, près de l’atelier et a déposé ses prospectus dans tous les hôtels et maisons d’hôtes de Pondichéry. Les touristes, en recherche d’actions de solidarité ne manque pas de les visiter et d’acheter. Des bénévoles français sont là pour apporter leur aide, notamment pour les ventes. Josette rentre régulièrement à Grenoble, où une autre équipe de bénévoles l’aide dans des ventes dirctes de type marchés de Noël, foires et expositions en tous genres. Elle a également participé à des initiatives de type boutiques solidaires.
Mais, diriger des femmes indiennes qui n’ont jamais connu un autre travail que celui de la maison reste une gageure. Josette semble être la seule qui impose son autorité pour les faire produire en quantité et en qualité. J’ai assisté un jour à une séance de coaching, digne de la grande entreprise américaine, en plus tout en anglais, of course !
Cet après-midi, nous nous sommes rendus au Shelter, à côté d’Auroville, pour assister à la livraison de la machine à laver le linge. Les dons faits par les Isérois ont permis d’acheter en plus, une grosse machine à cuire le riz et un inverseur qui va permettre d’accumuler l’énergie quand il y a de l’électricité et de la restituer quand il y a des coupures. Celle-ci sont très nombreuses dans ce village, beaucoup plus qu’à Pondichéry.
Les enfants étaient fous de joie. Je vous rappelle que jusque-là, ils lavaient leurs vêtements à la main…
Ils nous ont faits plein de bisous, nous sont tombés dans les bras, ont dansé et nous avons partagé un instant de délice avec des ice-cream offerts par Josette!
09:21 Publié dans 3. Le Conseil général de l'Isère, 6. Enfance en danger | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conseil général isère, souffle de l'inde, sharana, josette rey, brigitte périllié
15/02/2013
mardi 12 février, visite des sites de Sharana
La journée sera consacrée à la visite des différents sites pour les enfants de Sharana.
Nous nous rendons au siège de l'association où nous attend Vitri, le directeur. Nous commençons par le Day care center non loin du siège. C’est une crèche où sont accueillis à la journée des enfants démunis. Ils semblent avoir deux à trois ans environ, mais ils peuvent aller jusqu’à 5 ans. Ce sont des enfants Gyspsies. Les parents vivent dans des bidons villes ou dans les bois. Ils ne les lavent jamais. Ils sont une vingtaine présente dans les locaux ce matin. Ils présentent quelques signe de rachitisme et de malnutrition. Une femme les lave, une autre les habille de propre et une troisième les fait jouer et leur apprend, à l'aide de dessins des mots en tamoul. Il est encore tôt, ils seront nourris un peu plus tard.
Les locaux sont spartiates pour nous mais surement luxueux pour eux qui n'ont pas toujours un toit sur la tête.
Ces enfants sont magnifiques, souriants et très sociables. Ils jouent ensemble, s'approchent de nous et nous tendent les mains, s’accrochent à nos jambes ou nous montrent leurs jouets. Ils recherchent notre attention et semblent ravis que je les photographie.
A l'étage, c'est une terrasse couverte d'un toit de palme. Là, un jeune garçon d'environ 10-12 ans joue seul sur un tapis. Il vient d'arriver. Son père est mort et sa mère est prostituée. Il sera gardé quelques jours, là pour voir comment il se comporte et sera surement orienté vers le shelter. Cet enfant est triste, voir un peu prostré. Il ne nous accordera aucun regard.
Puis nous partons vers un autre site, au sud de la ville Angalakupam. Nous arrivons dans un village assez coquet, sans ordures étalées par le vent, comme pour tout le reste des villes et des campagnes indiennes. Vitri nous présente une crèche où sont accueillis des enfants de 3 à 6 ans environ. Ce sont les enfants des paysans du village. Ils peuvent ainsi aller travailler dans les champs, l’esprit libre. On entre par un magnifique jardin avec un puits en son centre. Un bâtiment en L, ceinture l’enclos. C’est la fin de la matinée et les enfants sont couchés sur une natte, dans la grande salle de jeu. C’est un moment de quiétude avant de prendre le repas. Le bâtiment abrite aussi un dispensaire qui accueille tous les gens du village. C’est indispensable car la ville est loin et les gens sont peu motorisés. L’essence coute presque le même prix ici qu’en France (près d’un euro le litre) Cela parait fou, quand on sait que les salaires sont de 7 à 10 fois inférieurs aux nôtres). L’intérêt de ce centre, c’est qu’il est aujourd’hui directement géré par les femmes du village. Ce sont elles qui ont proposé de le faire dès qu’elles ont su que Sharana voulait développer un projet chez elles. L’association n’apporte aujourd’hui que le financement des salaires et de la nourriture. Elle contrôle le bon fonctionnement de l’ensemble. Cette initiative a créé environ 6 emplois. Un médecin et un infirmier sont attachés au dispensaire.
Ces centres, crèches permettent non seulement de suivre de très près l’éducation des enfants, mais aussi la santé des familles et leur activité économique. Des micro-crédits sont accordés aux femmes pour qu’elles puissent démarrer une activité sans être dépendantes de leurs maris.
A côté, des femmes filent de la fibre de coco qui sert à faire des cordes. On en voit des piles, exposées sur les bords des routes. Nous arrêtons pour les regarder faire. Elles sont 4 jeunes femmes, probablement que leurs enfants sont à la crèche à côté.
Le village est bordé d’une rivière et de champs de cacahuètes. Je fais des photos. Josette me montre des petits préaux qui sont les buchers mortuaires. Il y en a un peu partout, toujours à l’écart des villages, dans les champs.
Nous poursuivons pour aller au centre d’Arangano qui est la fierté de Sharana. Quand on entre dans la propriété, on voit un bel immeuble à un étage, et un autre de plain-pied. Le premier bâtiment abrite un Day care center pour les tous petits et dans le deuxième, le centre d’apprentissage de menuiserie.
Une vingtaine de gosses sont accueillis à la journée. Les apprentis, eux ont environs 16-17 ans et sont une douzaine. Mais ce lieu est aussi original car il est un centre expérimental d’agriculture. Sont cultivés, cacahuettes, légumes, bananes et noix de coco. Depuis quelques années, une expérience de production de protéines végétales est menée. Il s’agit de la spéruline, qui est une algue obtenue par la photosynthèse de l’eau et du soleil. Cette algue est produite dans de grands bassins dont l’eau est filtrée avec une épuisette de linge fin et un tamis également de linge fin. Il est ainsi recueilli une pate verte, assez liquide, qui est ensuite séchée au soleil, puis dans un four spécial. Lorsque ce processus est accompli, la spiruline se présente soit en poudre insérée dans des petites capsules, soit sous forme de petits bâtonnets. Cette spiruline permet de mener un programme de nutrition intensive des enfants recueillis mais aussi de la population des environs. Il est 13 heures et Vitri nous propose de manger sur place. Nous partageons donc le repas de la communauté. On nous dresse une table alors que les petits sont attables par terre sur la terrasse le long du bâtiment, face aux champ de cacahuète. La vue est agréable. Ils ont devant eux une grande assiette en allu et un gobelet. Nous aurons le même service. Dans la grande assiette, une dame verse une grande cuillère de ris, puis un ragout de pommes de terre et une omelette aux herbes. C’est délicieux et assez épicé. Je demande, les enfants mangent aussi épicé que cela ? Oui ; me répond Vitri, pas de problème. En fait, les épices purifient les plats et permettent une meilleure digestion. Pour finie le repas, on me reverse une cuillère de riz sur lequel on verse du curd (yaourt). C’est douçâtre, comme un gâteau de riz. Je ne peux pas tout manger.
Nous retournons au centre de base où Vitri prend une nouvelle bouteille de gaz que nous allons porter dans un autre centre. Nous sortons de la ville, au nord de Pondy et roulons bien plus loin qu’Auroville. Nous arrivons dans un village assez misérable, Matour. Nous livrons une bouteille de gaz dans une crèche, misérable aussi, mais qui a le mérite d’exister dans cet environnement assez moyenâgeux. Les enfants ne sont plus là. Il est plus de 16 heures et les parents les ont récupérés. Josette m’explique qu’il n’y pas le même dynamisme ici qu’Angalakupam. A l’allure du village, cela se voit. Mais les gens qui sont là, devant leurs cahutes, sont souriants. Ce sont des femmes, des enfants et des vieillards. Une femme et sa fille tressent une feuille de bananier, sur le sol. Nous faisons quelques photos, tout le monde se laisse faire et le groupe s’agglutine autour de moi pour voir mes photos. Mais très vite, je n’ai plus d’energie et je n’ai pas pris mon autre appareil photos.
Nous allons ensuite au Shelter (refuge) qui accueille à temps plein, des enfants en grand danger dans leur famille. Une petite fille m’attrape par la main et m’amène voir les décorations en faïences cassées qu’ils ont posées sur la façade du bâtiment. Il y a là des danseuses, des animaux, une maison, un arbre dont elle est très fière. L’installation est aussi assez spartiate. La maison principale est composée d’une grande pièce et de dépendances cuisine, placard , douches) à l’arrière. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait des chambres. Les enfants dorment tous ensemble sur des nattes dans la grande salle. Lorsque nous arrivons, un jeune garçon est allongé par terre, il se tient la tête et semble dormir. Il ne bouge pas. Vitri me dit qu’il a besoin de se reposer. Normalement les garçons doivent dormir dans l’autre bâtiment, mais il y a des travaux à faire pour isoler le toit qui est à clair voie. Mais il y a des douches et cela pourra faire l’affaire lorsque les travaux seront faits. Il ne dit pas quand ? Il est vrai que le climat est plus clément ici qu’en Europe. Il n’y a pas besoin de bâtiments très sophistiqués. Lors d’une de ses visites, Josette a vu les enfants laver eux-mêmes leurs vêtements. Ils ont entre 3 et 10 ou 12 ans. Elle a lancé un appel sur internet pour récolter des fonds pour acheter une machine à laver. L’argent nécessaire a été réuni, elle sera installée prochainement. Un coup de peinture ferait du bien aux murs aussi, ils sont bien tristes. Devant nous, Vitri fait mettre les enfants en file indienne et leur fait fermer les yeux pour se calmer. Un peu de méditation ne peut pas faire de mal…
Au bout de quelques minutes, une équipe d’animateurs de la ludothèque mobile arrive et organise des jeux de société avec les eux sur la terrasse. Nous restons là environ ½ heure, puis repartons.
Nous rentrons au centre de base vers 18h30 – 19h.
05:30 Publié dans 3. Le Conseil général de l'Isère, 6. Enfance en danger | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : conseil général de l'isère, souffle de l'inde, sharana, brigitte périllié
11/02/2013
Carnet de voyage en Inde - Sharana - Souffle de l'Inde -
Lundi 11 février,
Nous sommes à Sharana, pour assister à une réunion de coordination hebdomadaire des travailleurs sociaux sur le suivi des enfants.
Tous les mois, ils doivent faire un bilan à l’association de l’ensemble de leur travail. Ils font également leurs prévisions d’actions.
Vetri est le chef de l’équipe. Il dirige également le « vocationnel training center » qui est un centre d’apprentissage en menuiserie. Neuf jeunes ont passé un examen de 6 mois de présence, avec succès.
Au grand hôpital Jipmer, il voit toutes les semaines 150 patients atteints de maladies neurologiques. Sharana, met à disposition un TS pour aider les patients à mieux comprendre leur maladie, leur traitement, ainsi qu’aux familles. Normalement, il devrait suivre 30 patients. Il aide les familles à garder les patients qui attendent des heures avant d’être examinés. Aucun médecin ne va à domicile, c’est toujours le patient qui se déplace à l’hôpital.
The Day Care center est centre privé appartenant à Sharana, agréé par le Gouvernement. Les enfants qui ont faim vont y manger. Ils viennent également lorsqu’il n’y a pas école et pour faire leurs devoirs le soir. 100 enfants y sont accueillis en permanence et deux cent sont en contact avec le centre.
Vetri supervise un camp médical avec 8 médecins, dans les campagnes reculées. Il distribue de la spiruline (protéines) aux enfants les plus dénutris,
Il s’occupe également de trois jeunes filles dont les mères sont prostituées. Il doit être très attentif envers elles sinon, elles risquent d’être récupérées par leurs parents et envoyées se prostituer aussi.
Il gère aussi les microcrédits attribués par le Consulat de France, aux ressortissants français en grande difficulté.
Manuel : raconte que cette semaine, des enfants se sont échappés du Shelter (pensionnat). Ils les ont cherché pendant 3 heures et les ont retrouvés près de chez leurs parents qui n’étaient pas là. Ils doivent vite les retrouver sinon, les parents risquent de les renvoyer mendier.
Josette a lancé un appel de dons sur internet pour acheter une machine à laver. Elle avait découvert que les enfants du shelter lavent eux-mêmes leurs habits. La somme nécessaire a été réunie et l’achat va être fait. Les enfants sont ravis et promettent d’embrasser Josette.
Peter, suit les parrainages. Ils sont de deux ordres, parrainages individuels ou collectifs sur un quartier ou village. Il gère les dons et les répartit en fonction des besoins identifiés des enfants. Il y a 1300 enfants parrainés dont 330 individuels.
Il va contacter 22 parrains ce mois-ci qui viennent à Pondichéry voir les enfants et éventuellement leur famille. Le travailleur social est chargé de ces rencontres.
Kaladévi (femme) s’occupe de la logistique de l’équipe, de la gestion des différentes activités, des cours du soir des enfants, des comptes des enfants parrainés.
Amala : assistante sociale, suit des filles : 8 filles et 2 mères. Elle a supervisé les devoirs des enfants en absence des instits, et anime la ludothèque mobile dans les quartiers.
Mani s’occupe du Day care center(DCC), et développe trois programmes : librairie et ludothèque mobiles et travail de rue. Il va tous les jours dans les quartiers pour repérer les enfants qui trainent et les scolariser. Il va les chercher dans les bidons villes et les amène au centre de jour, où ils sont lavés, habillés et nourris. Un bilan de santé est fait et en fonction de leur âge, les enfants vont ensuite au Shelter ou les plus petits restent au DCC, c’est-à-dire retournent dans leur famille pour la nuit. C’est une négociation permanente avec les parents pour pouvoir suivre les enfants et leur offrir une éducation.
Ravi visite des écoles pour mettre en place des nouveaux parrainages d’enfants. Il s’occupe du corps médical et des cours du soir. Il tient les dossiers administratifs des enfants, visite les familles…
Vers 11heures, nous montons à l’atelier où les dames cousent. Josette vérifie leur travaille et donnent quelques conseils et consignes.
L’après-midi nous retournons à l’atelier où doit avoir lieu une réunion de debriefing. Les femmes sont souvent indolentes et il faut les dynamiser régulièrement pour leur rappeler pourquoi et comment elles ont la chance d’avoir cet emploi, comment elles doivent se comporter pour assurer une production de qualité mais aussi comment elles doivent vivre en petite communauté pendant le temps de travail : partage, solidarité, rigueur dans le travail, exigence du travail bien fait… rien n’est oublié dans le message. Elles sont également invitées par Josette à dire leurs questionnements et sentiments. Après cela, nous leur proposons la lingerie que j’ai apportée. Elles prennent pour elles et leurs filles quand elles en ont. Elles me remercient de cet apport. J’en profite donc pour remercier aussi toutes les Grenobloises qui ont donné leur stock !