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25/02/2013

Samedi 23 février, Sharana, réception machines

Ce matin, nous sommes allées rendre visite à Rajkala, la présidente de Sharana. Elle vient de perdre son beau-père et ne vient donc pas à l’association pendant une semaine. C’est le temps que prend la famille du défunt pour recevoir les condoléances de la part de tout l’entourage et commencer son deuil. Nous sommes venues porter des fleurs au défunt comme il se doit et, je voulais aussi parler un peu avec elle des contacts que nous pourrions avoir pour la suite. Je l’ai invitée à passer en Isère, lors de l’un de ses prochains voyages en France. Nous pourrions lui montrer et lui expliquer comment nous concevons la protection de l’enfance et l’état de nos réflexions en la matière. Je lui ai également parlé de l’invitation faite à Amala sur les violences faites aux femmes. Elle était bien sûr, d’accord, très intéressée et m’a remerciée de cette invitation.

enfants shelter.jpgJe n’ai peut-être pas très bien expliqué comment la coopération entre Souffle de l’Inde et Sharana s’est mise en place. Rajkala qui appartient à la bourgeoisie indienne, vit confortablement. Elle a créé Sharana, il y a quelques années pour venir en aide aux enfants défavorisés en subventionnant leurs études avec des parrainages, les nourrissant, les habillant .Elle a aussi ouvert un centre pour les enfants  des rues de Pondichéry. Elle y met régulièrement ses propres finances, mais cela est loin de suffire aux besoins. Elle a donc fait appel à la générosité de nombreux donateurs, en Inde mais aussi en Europe. Pour recueillir des fonds, des Français ont créé une autre association, Sharana-France qui est basée dans la région parisienne (il y a une forte communauté française à Pondichéry). Cette association gère les parrainages de quelques 800 enfants, recueille des dons et vend les productions de Sharana (spiruline, vêtements, objets en bois du centre d’apprentissage), comme le faisait Souffle de l’Inde à Cochin. Il y aussi pas mal de volontaires qui viennent de France, donner un coup de main dans les shelters (refuges) et Day care centers.

Comme je l’ai dit précédemment, au fil du temps, les travailleurs sociaux ont réalisé que recueillir les enfants, les éduquer ne suffisait pas, si rien était fait avec les parents, notamment les mères. C’est comme cela qu’ils ont créé l’atelier de couture et de confection d’objets divers.  Une autre jeune femme, Joshna, a tenté également la création d’un atelier d’insertion. Mais sans compétences suffisantes de gestion et management, elle y a englouti beaucoup d’argent. Elle a donc rejoint Sharana et obtient des petites fabrications en séries de sacs en tissus pour des magasins de Pondichéry mais aussi de Paris. Joshna est assez créatrice pour inventer de jolis objets (tongs, sandales…) et des sacs en tissu, mais l’atelier ne fonctionnait pas suffisamment. La spécialité de Sharana étant la protection de l’enfance en danger, l’accompagnement des femmes ayant de très faibles compétences restait assez difficile à assumer pour l’association.

De son côté, Josette rencontrait des difficultés à Cochin, notamment liés à la corruption de la police qui faisait peser des pressions énormes sur son atelier. Elle devait absolument faire appel à un manager – homme - pour conduire l’association indienne. Au Kérala, les femmes qui entreprennent n’ont aucune crédibilité et sont constamment inquiétées, suspectées de prostitution. Ce pays est encore sous un régime étatique très procédurier et inquisiteur. Les seules personnes sur qui elle pouvait compter, lorsqu’elle rentrait en France, étaient Giji et Shinie, pleines de bonnes volontés mais elles aussi, en manque d’autorité. Pour des raisons familiales, Josette a dû passer quelques semaines à Pondichéry et a constaté que le climat y était plus clément, plus tempéré, l’atmosphère plus aérée. Il est vrai qu’ici, une brise de mer balaye constamment le rivage. Cochin, plus au sud et sur l’autre rive de l’Inde est plus chaude, très étouffante. Josette a des problèmes de santé et voulait trouver un cadre plus « facile » pour pérenniser son action envers les veuves. C’est là qu’elle entend parler de Sharana et de son atelier de femmes. Elle prend donc contact et propose sa collaboration. Rajkala, accepte, d’autant plus qu’elle avoue bien volontiers que la direction de l’atelier est compliquée et qu’elle souhaiterait développer des compétences pour les ventes et la conduite des productions. Souffle de l’Inde et en particulier, Josette, a une solide expérience dans ce domaine. La complémentarité des rôles est trouvée. Sharana reste fixée sur l’enfance en danger, avec quand même un regard sur les mères et, Souffle de l’Inde se charge de l’atelier et des ventes. Josette installe donc une boutique solidaire à l’étage, près de l’atelier et a déposé ses prospectus dans tous les hôtels et maisons d’hôtes de Pondichéry. Les touristes, en recherche d’actions de solidarité ne manque pas de les visiter et d’acheter. Des bénévoles français sont là pour apporter leur aide, notamment pour les ventes. Josette rentre régulièrement à Grenoble, où une autre équipe de bénévoles l’aide dans des ventes dirctes de type marchés de Noël, foires et expositions en tous genres. Elle a également participé à des initiatives de type boutiques solidaires.

Mais, diriger des femmes indiennes qui n’ont jamais connu un autre travail que celui de la maison reste une gageure. Josette semble être la seule qui impose son autorité pour les faire produire en quantité et en qualité. J’ai assisté un jour à une séance de coaching, digne de la grande entreprise américaine, en plus tout en anglais, of course !

 

 

conseil général isère,souffle de l'inde,sharana,josette rey,brigitte périlliéCet après-midi, nous nous sommes rendus au Shelter, à côté d’Auroville, pour assister à la livraison de la machine à laver le linge. Les dons faits par les Isérois ont permis d’acheter en plus, une grosse machine à cuire le riz et un inverseur qui va permettre d’accumuler l’énergie quand il y a de l’électricité et de la restituer quand il y a des coupures. Celle-ci sont très nombreuses dans ce village, beaucoup plus qu’à Pondichéry.

Les enfants étaient fous de joie. Je vous rappelle que jusque-là, ils lavaient leurs vêtements à la main…

Ils nous ont faits plein de bisous, nous sont tombés dans les bras, ont dansé et nous avons partagé un instant de délice avec des ice-cream  offerts par Josette!

 

conseil général isère,souffle de l'inde,sharana,josette rey,brigitte périllié

15/02/2013

mardi 12 février, visite des sites de Sharana

 

La journée sera consacrée à la visite des différents sites pour les enfants de Sharana.

 

sharana, souffle de l'inde, Brigitte Périllié

Nous nous rendons au siège de l'association où nous attend Vitri, le directeur. Nous commençons par le Day care center non loin du siège. C’est une crèche où sont accueillis à la journée des enfants démunis. Ils semblent avoir deux à trois ans environ, mais ils peuvent aller jusqu’à 5 ans. Ce sont des enfants Gyspsies. Les parents vivent dans des bidons villes ou dans les bois. Ils ne les lavent jamais. Ils sont une vingtaine présente dans les locaux ce matin. Ils présentent quelques signe de rachitisme et de malnutrition. Une femme les lave, une autre les habille de propre et une troisième les fait jouer et leur apprend, à l'aide de dessins des mots en tamoul. Il est encore tôt, ils seront nourris un peu plus tard.

Les locaux sont spartiates pour nous mais surement luxueux pour eux qui n'ont pas toujours un toit sur la tête.

Ces enfants sont magnifiques, souriants et très sociables. Ils jouent ensemble, s'approchent de nous et nous tendent les mains, s’accrochent à nos jambes ou nous montrent leurs jouets. Ils recherchent notre attention et semblent ravis que je les photographie.

 

A l'étage, c'est une terrasse couverte d'un toit de palme. Là, un jeune garçon d'environ 10-12 ans joue seul sur un tapis. Il vient d'arriver. Son père est mort et sa mère est prostituée. Il sera gardé quelques jours, là pour voir comment il se comporte et sera surement orienté vers le shelter. Cet enfant est triste, voir un peu prostré. Il ne nous accordera aucun regard.

Puis nous partons vers un autre site, au sud de la ville Angalakupam. Nous arrivons dans un village assez coquet, sans ordures étalées par le vent, comme pour tout le reste des villes et des campagnes indiennes. Vitri nous présente une crèche où sont accueillis des enfants de 3 à 6 ans environ. Ce sont les enfants des paysans du village. Ils peuvent ainsi aller travailler dans les champs, l’esprit libre. On entre par un magnifique jardin avec un puits en son centre. Un bâtiment en L, ceinture l’enclos. C’est la fin de la matinée et les enfants sont couchés sur une natte, dans la grande salle de jeu. C’est un moment de quiétude avant de prendre le repas. Le bâtiment abrite aussi un dispensaire qui accueille tous les gens du village. C’est indispensable car la ville est loin et les gens sont peu motorisés. L’essence coute presque le même prix ici qu’en France (près d’un euro le litre) Cela parait fou, quand on sait que les salaires sont de 7 à 10 fois inférieurs aux nôtres). L’intérêt de ce centre, c’est qu’il est aujourd’hui directement géré par les femmes du village. Ce sont elles qui ont proposé de le faire dès qu’elles ont su que Sharana voulait développer un projet chez elles. L’association n’apporte aujourd’hui que le financement des salaires et de la nourriture. Elle contrôle le bon fonctionnement de l’ensemble. Cette initiative a créé environ 6 emplois. Un médecin et un infirmier sont attachés au dispensaire.

Ces centres, crèches permettent non seulement de suivre de très près l’éducation des enfants, mais aussi la santé des familles et leur activité économique. Des micro-crédits sont accordés aux femmes pour qu’elles puissent démarrer une activité sans être dépendantes de leurs maris.

A côté, des femmes filent de la fibre de coco qui sert à faire des cordes. On en voit des piles, exposées sur les bords des routes. Nous arrêtons pour les regarder faire. Elles sont 4 jeunes femmes, probablement que leurs enfants sont à la crèche à côté.

Le village est bordé d’une rivière et de champs de cacahuètes. Je fais des photos. Josette me montre des petits préaux qui sont les buchers mortuaires. Il y en a un peu partout, toujours à l’écart des villages, dans les champs.

Nous poursuivons pour aller au centre d’Arangano qui est la fierté de Sharana. Quand on entre dans la propriété, on voit un bel immeuble à un étage, et un autre de plain-pied. Le premier bâtiment abrite un Day care center pour les tous petits et dans le deuxième, le centre d’apprentissage de menuiserie.

Une vingtaine de gosses sont accueillis à la journée. Les apprentis, eux ont environs 16-17 ans et sont une douzaine. Mais ce lieu est aussi original car il est un centre expérimental d’agriculture. Sont cultivés, cacahuettes, légumes, bananes et noix de coco. Depuis quelques années, une expérience de production de protéines végétales est menée. Il s’agit de la spéruline, qui est une algue obtenue par la photosynthèse de l’eau et du soleil. Cette algue est produite dans de grands bassins dont l’eau est filtrée avec une épuisette de linge fin et un tamis également de linge fin. Il est ainsi recueilli une pate verte, assez liquide, qui est ensuite séchée au soleil, puis dans un four spécial. Lorsque ce processus est accompli, la spiruline se présente soit en poudre insérée dans des petites capsules, soit sous forme de petits bâtonnets. Cette spiruline permet de mener un programme de nutrition intensive des enfants recueillis mais aussi de la population des environs.  Il est 13 heures et Vitri nous propose de manger sur place. Nous partageons donc le repas de la communauté. On nous dresse une table alors que les petits sont attables par terre sur la terrasse le long du bâtiment, face aux champ de cacahuète. La vue est agréable. Ils ont devant eux une grande assiette en allu et un gobelet. Nous aurons le même service. Dans la grande assiette, une dame verse une grande cuillère de ris, puis un ragout de pommes de terre et une omelette aux herbes. C’est délicieux et assez épicé. Je demande, les enfants mangent aussi épicé que cela ? Oui ; me répond Vitri, pas de problème. En fait, les épices purifient les plats et permettent une meilleure digestion. Pour finie le repas, on me reverse une cuillère de riz sur lequel on verse du curd (yaourt). C’est douçâtre, comme un gâteau de riz. Je ne peux pas tout manger. 

Nous retournons au centre de base où Vitri prend une nouvelle bouteille de gaz que nous allons porter dans un autre centre. Nous sortons de la ville, au nord de Pondy et roulons bien plus loin qu’Auroville. Nous arrivons dans un village assez misérable, Matour. Nous livrons une bouteille de gaz dans une crèche, misérable aussi, mais qui a le mérite d’exister dans cet environnement assez moyenâgeux. Les enfants ne sont plus là. Il est plus de 16 heures et les parents les ont récupérés. Josette m’explique qu’il n’y pas le même dynamisme ici qu’Angalakupam. A l’allure du village, cela se voit. Mais les gens qui sont là, devant leurs cahutes, sont souriants. Ce sont des femmes, des enfants et des vieillards. Une femme et sa fille tressent une feuille de bananier, sur le sol. Nous faisons quelques photos, tout le monde se laisse faire et le groupe s’agglutine autour de moi pour voir mes photos. Mais très vite, je n’ai plus d’energie et je n’ai pas pris mon autre appareil photos.

Nous allons ensuite au Shelter (refuge) qui accueille à temps plein, des enfants en grand danger dans leur famille. Une petite fille m’attrape par la main et m’amène voir les décorations en faïences cassées qu’ils ont posées sur la façade du bâtiment.  Il y a là des danseuses, des animaux, une maison, un arbre dont elle est très fière. L’installation est aussi assez spartiate. La maison principale est composée d’une grande pièce et de dépendances cuisine, placard , douches) à l’arrière. Je n’ai pas l’impression qu’il y ait des chambres. Les enfants dorment tous ensemble sur des nattes dans la grande salle. Lorsque nous arrivons, un jeune garçon est allongé par terre, il se tient la tête et semble dormir. Il ne bouge pas. Vitri me dit qu’il a besoin de se reposer. Normalement les garçons doivent dormir dans l’autre bâtiment, mais il y a des travaux à faire pour isoler le toit qui est à clair voie. Mais il y a des douches et cela pourra faire l’affaire lorsque les travaux seront faits. Il ne dit pas quand ? Il est vrai que le climat est plus clément ici qu’en Europe. Il n’y a pas besoin de bâtiments très sophistiqués. Lors d’une de ses visites, Josette a vu les enfants laver eux-mêmes leurs vêtements. Ils ont entre 3 et 10 ou 12 ans. Elle a lancé un appel sur internet pour récolter des fonds pour acheter une machine à laver. L’argent nécessaire a été réuni, elle sera installée prochainement. Un coup de peinture ferait du bien aux murs aussi, ils sont bien tristes.  Devant nous, Vitri fait mettre les enfants en file indienne et leur fait fermer les yeux pour se calmer. Un peu de méditation ne peut pas faire de mal…

Au bout de quelques minutes, une équipe d’animateurs de la ludothèque mobile arrive et organise des jeux de société avec les eux sur la terrasse. Nous restons là environ ½ heure, puis repartons.

Nous rentrons au centre de base vers 18h30 – 19h.